jeudi 28 février 2008

Les Echos du Pavillon

L'édition 2008 de la Foire du Livre du Caire vient de s'achever. Pour les visiteurs du Pavillon français, les étudiants de la filière francophone de journalisme ont rédigé pendant plus de dix jours un journal quotidient. Un journal qui s'attachait à couvrir l'actualité du Pavillon. Un journal qui essayait aussi de traquer le livre partout en Egypte.

Les Echos du Pavillon sont à lire et relire sur le site du Centre français de culture et de coopération : http://www.ambafrance-eg.org/cfcc/article.php3?id_article=2190

lundi 17 décembre 2007

Un zoo à l’agonie

Visite du jardin zoologique de Giza, entre cages vides et détritus.

Un zoo sert normalement à aller voir les animaux qui s’y trouvent, celui de Giza semble avoir une toute autre fonction.
Les allées sont encombrées de visiteurs de tous âges, évoluant entre des marchands de jouets, des vendeurs de pop-corn ou de barbe à papa. Pour la plupart des gens, le zoo est un moyen pour sortir en famille et prendre l’air pour la modique somme de 1 LE. Certains sont assis sur des bancs de pierre pour discuter et manger, ou sont tout simplement installés par terre pour pique-niquer, dans une ambiance de foire, riche en décibels et en claquements de pétards. Emballages et cannettes de soda en tous genres, jonchent le sol. Il y a des ordures partout, y compris dans les enclos.
Dans ce chaos général, le confort des animaux n’est pas une priorité. Nombres de cages sont vides, d’autres sont surpeuplées. Les visiteurs s’intéressent à certains animaux ‘populaires’ comme les lions, les éléphants, et vont les voir en masse, mais se moquent des singes, et des chiens…. Mais que font des chiens dans un zoo ? Harcelés par les enfants sous l’œil bienveillant de leurs parents, certains d’entre eux se cachent dès que quelqu’un s’approche, d’autres semblent s’être enfermés dans une carapace invisible, le regard dans le vide ou recroquevillés dans un coin de leur cage.

Entre ignorance et appât d’argent

‘Prière de ne pas donner à manger aux animaux’ dit une pancarte. Quelques mètres plus loin, un gardien propose des friandises en échange de quelques piastres. Certains visiteurs donnent même à manger de leur propre initiative en dépit des interdictions. Ces pratiques auraient provoqué la mort d’une girafe récemment.
Selon Saïd, qui travaille là depuis 15 ans, les gens ne comprennent rien aux animaux et la direction du zoo et les organisations pour les animaux, ne font rien pour éduquer le public. D’un autre côté, les gardiens essaient de se faire un peu d’argent pour compenser un salaire trop faible. « On fait ça parce que l’on a pas un bon salaire. Moi, si on me payait bien, je ferais bien mon travail. Je m’assoirais à côté de la cage, une jambe sur l’autre, je surveillerais mes bêtes, et puis c’est tout. Mais, il faut bien vivre, ça fait 8 ans que je travaille ici et je gagne 225 LE. Et je paie 6 LE dans les transports ! », explique un autre gardien, qui a préféré garder l’anonymat.
Au bout du compte, seuls les chats s’offrent un peu de liberté. Ils se déplacent discrètement à la recherche de quelques restes de nourriture, et n’hésitent pas à prendre des bains de soleil au milieu des autruches ou de tout autre bête à plumes, ou à poils.
La journée est finie. Les gardiens commencent à nettoyer les cages, et les visiteurs sont chassés à coups de sifflet. Le calme arrive, et les bêtes vont enfin pouvoir se reposer. Ils ont jusqu’au matin, avant la prochaine marée humaine…

Nadia Shahine

dimanche 16 décembre 2007

"Cette rue est la mienne, j'y ai passé toute ma vie"

Les enfants des rues en Egypte, un sujet d'éternel débat. En dépit des associations et des mesures, le phénomène persiste et prend même de l'ampleur. Reda, onze ans, est une petite fille parmi des milliers d'autres au Caire, qui prennent le ciel comme toit.

« Donnez-moi 25p. », c'est ce que Reda répète toute la journée. C'est son métier qu'elle exerce 6 jours par semaine de 10 à 8h. « Tôt le matin », elle se réveille dans sa maison à Beni Suwaif et se prépare pour le voyage au Caire. « Nous, ma mère et moi, nous prenons une voiture de notre village à El Monib et de là, on prend un bus pour arriver à l'université. La route prend presque deux heures et nous coûte 5 LE. », raconte Reda. Elle arrive à la rue de l'université à 10 heures du matin et y reste jusqu'à 8 heures de soir. Elle ne quitte jamais cette petite place en face de l'université, elle se déplace entre le portail principal, l'obélisque et la station d'autobus. Reda pense qu' « en général les gens ici sont gentils, ils me donnent de l'argent. » De l'argent qu'elle donne par la suite à sa mère qui se trouve souvent près d'elle. « Là voila, c'est elle qui boit de la fontaine ».Elle désigne sa mère du doigt. « On y va souvent pour se laver le visage ou pour boire quand il fait chaud », continue la petite fille. Reda s'est bien appropriée de la rue qu'elle fréquente il y a déjà neuf ans. « Je viens depuis que je suis de cette taille », dit-elle en montrant la taille par le banc de la station de l'autobus. Comme la plupart des Egyptiens, Reda ne travaille le vendredi. « Je reste à Beni Suwaif. Je vais à la mosquée pour faire la prière avec mes amis et ensuite on va jouer au village », décrit la petite travailleuse.

La bouée de sauvetage est là, mais est-ce qu'on a l'envie de la saisir ?

Une grande pancarte, que les enfants des rues utilisent pour se protéger du soleil, se trouve en face de l'université. C'est une annonce de l’assistance téléphonique 16000 pour sauver les enfants, inaugurée en 2005. Reda, qui n'est jamais allée à l'école et qui ne sait ni lire ni écrire, sait bien de quoi il s'agit. « C'est la ligne 1600 pour sauver les enfants. On les prend et leur donne beaucoup d'argent, des nouveaux vêtements et ils vivent dans de très belles maisons. Je connais bien. J'ai même essayé de leur téléphoner une fois de cette cabine, mais j'ai mal composé le numéro. On m'a demandé de le rectifier », se souvient-elle en imitant la voix de la machine. Même si elle sait bien le numéro maintenant, elle ne téléphone pas à l'association. "A quoi bon le faire? Je suis toujours avec ma mère et j'aime être ici, j'ai beaucoup des amis et tout le monde me connaît." En général, Reda ne semble pas être intimidée par son statut. Elle ne veut pas aller ailleurs. Reda dont le nom signifie satisfaction comprend bien le sens de son nom. Elle l'interprète par le geste typique de deux baisers sur la face et l'envers de sa main en disant: « el hamdoulillah. » Reda connaît bien son nom mais elle ne sait pas qui le lui a choisit. Elle comprend bien son sort mais elle ne sait pas pourquoi il lui a été attribué.

Fatma A. Kamel

mercredi 12 décembre 2007

Les rêves des enfants se gravent sur les murs des maisons



À El Max, un projet unique de restauration du village est en train de se bâtir par les mains de ses habitants. Ce projet est animé par l'ONG Gudran.

El Max est un petit village des pêcheurs, situé à l'ouest d'Alexandrie, près d'El-Agami. Les maisons sont alignées des deux côtés d'un canal utilisé pour se débarrasser des déchets. Celles-ci sont construites selon les besoins du métier des habitants. Du côté de l'eau, une chambre donne sur un bateau. Les objets nécessaires à la pêche sont entreposés dans cette chambre, qui à la fois liée et séparée du reste de la maison. C’est un design unique créé par les pêcheurs, qui ont su adapter leurs besoins à la nature. Les maisons ont un seul étage. Les murs sont ornés par des dessins simples et colorés représentant le plus souvent les éléments de l'environnement comme la mer et les poissons. Ce sont les jeunes villageois qui ont réalisé ces dessins. Mais c'est Gudran qui est à l'origine de l'idée.
Gudran est une organisation non gouvernementale (ONG) de l'art et du développement, formée par un groupe des artistes, unis par leur croyance en l'importance de l'art et en son pouvoir, comme moyen de communication et de développement. Leur conscience sociale les a incités à quitter les expositions et à utiliser l'art d'une manière plus efficace. Leur message est simple : développer les sociétés marginalisées à travers l'art sans toucher à l'identité du lieu.
Gudran a trouvé à El Max, un milieu propice pour ses idées. La particularité du lieu l'a attirée et l'a beaucoup inspirée. Ses artistes ont décidé de restituer le village et de réorganiser ses maisons à l’aide des habitants. Transmettre leur conception aux familles des pêcheurs n'était pas du tout une mission facile. Penser à la beauté de l'art est un luxe dont les pêcheurs sont privés. « Dans un tel environnement, on a tendance à se fermer. L'isolement est conçu comme une sorte de protection. On a toujours peur de tout ce qui est nouveau et étranger », explique l’un des participants au projet de restauration.

Les enfants: le cheval de Troie

Il fallait un moyen, un cheval de Troie qui permette à Gudran de pénétrer dans le village. La solution était là, dessinée par leurs innocents sourires sur leur visage curieux : les enfants. « Les enfants avec leur créativité encore vierge offrent toujours les meilleurs clés, c'est ce que j'ai tiré de mon expérience dans de pareils projets », indique Aliaa El Gready, conseiller artistique du projet. Mais d'abord l'ONG avait besoin d'un lieu à partir duquel elle pouvait mener son oeuvre. Ainsi, « on a essayé de se rapprocher des hommes du village. Le café (où se rencontre les gens presque quotidiennement) nous a beaucoup servi », raconte Samah El Halawany, le directeur général du projet, à la tête d’une équipe de 16 membres. Finalement, l’association a réussi à obtenir un petit immeuble de trois étages, qui est devenu plus tard le centre culturel du village. Formé d'abord par des ateliers artistiques pour les enfants, le projet s'est élargi. Il renferme, aujourd'hui, un centre sportif et un autre médical, un atelier de tissage pour les femmes et des classes d'analphabétisme. C’est Samah Nagib, une jeune femme d'El Max, qui a eu l’initiative de ces cours. Le projet a porté ses fruits dès la première promotion. Il y a maintenant deux classes formées de 37 étudiants, rassemblant hommes, femmes et enfants. « On a même réussi à convaincre quelques uns de continuer leurs études », assure-t-elle fièrement.
Quant à l'atelier de tissage des femmes, " On essaye de faire de chaque produit une œuvre d'art exprimant l'identité propre d'El Max.", souligne Aliaa El Gready.
Gudran a proposé l'idée de restauration du village et a convaincu les habitants d'El Max, qui à leur tour ont mis l'idée en application selon leur propre vision et leurs goûts personnels. Le superbe résultat encourage à renouveler l’expérience ailleurs.

Fatma A. Kamel

lundi 10 décembre 2007

Khaled el-Khamissi, un auteur ambulant

Un écrivain égyptien plonge ses lecteurs au cœur de la société cairote d'aujourd'hui, au rythme original de ses passages d'un taxi à l'autre. Portrait.

« L'écriture c'est comme la danse, pour s'y mettre, il faut d'abord se libérer et être en harmonie avec soi-même. » C'est en ces termes que Khaled el-Khamissi, auteur de Taxi, définit sa relation avec une passion qui semble lui être transmise de père en fils. Ecrivain, mais aussi journaliste, réalisateur et metteur en scène, il multiplie les fonctions tout en restant à l'écoute des personnes dont il se sent le plus proche: ceux qui luttent pour gagner leur pain. Dans son livre, il peint cette classe à travers leurs paroles, dites sur le ton de la confidence, ou sur un coup de gueule. Et le résultat est là : un livre touchant qui fait un tabac auprès du public. Ce quadragénaire, père de trois enfants, n'a pourtant pas navigué sur des eaux tranquilles avant d'arriver à ce qu'il appelle « l'expérience la plus excitante de sa vie ». Né au sein d'une famille d'intellectuels et d'écrivains, il s'est vite senti différent de ses camarades, « une fois, j'ai même été convoqué auprès du directeur pour avoir émis un avis contraire à mon professeur au sujet de l'accord de paix avec Israël », déclare-t-il en souriant au souvenir de cet incident. Paradoxalement, c'est aussi sa présence aux soirées littéraires qu'organisait son grand-père qui a failli lui ôter le courage de s'exprimer : qu'avait-il de nouveau à apporter après les oeuvres de ses prédécesseurs?

« Les Egyptiens ont un problème d'autocensure »

Mais c'est sa sensibilité exacerbée face a tout ce qui l'entoure et cette angoisse qu'il a la certitude de n'apaiser qu'en écrivant, qui finit par l'emporter sur ses doutes. Il écrit pour briser les barrières et dans l'espoir de détourner ce réflexe d'autocensure qui, selon lui, est le propre des Egyptiens. « Qu'on soit sur terre ou sur une autre planète, la peur qui nous habite nous pousse à modifier les paroles qui nous venait spontanément » affirme-t-il. Ce francophone amoureux de la liberté d'expression demeure cependant réticent face à l'adoption aveugle des idées occidentales dont certaines sont inapplicables dans la société égyptienne. Il préfère rester dans cette zone grise, entre deux mondes. Une zone où il est sûr de circuler en toute liberté.

Khaled el-Khamissi
1962 :
naissance au Caire
1980 : il achève le cycle secondaire au lycée Bab-El-Louk
1984 : il termine ses études de Sciences politiques à l'Université du Caire
1986 à 1990 : journaliste à Al-Ahram, et dans d’autres titres
1989 : retour de son voyage en France
2005 : publication de Taxi, son premier roman

Pacynthe Sabri

Les adultes vont aussi à l’école

Plusieurs adultes analphabètes sont venus à l'école à Ezbet AlArab pour apprendre à lire et écrire, une chance qu’ils n’ont pas eue quand ils étaient enfants. Reportage.

Quatre heures de l'après-midi. Un bâtiment de l'école gouvernementale assez ancien. Les enfants sont déjà rentrés chez eux. Maintenant, ce sont les adultes analphabètes qui viennent pour apprendre à lire et écrire. Cette école se trouve à Ezbet AlArab, un quartier très pauvre du Caire. 90% de ses habitants sont analphabètes. Ici, la construction des bâtiments est chaotique. La moitié de maisons ne sont pas finies. La plupart d'habitants viennent du Sud de l'Egypte ou de Sinaï. Ici ils travaillent dans les petits ateliers industriels.
« Cette route n'était pas asphaltée et il n'y avait pas de réverbères de rue il y a un an », dit Yahia El-Husseini en tournant le volant de sa voiture. Ingénieur de métier, âgé de presque 50 ans, il est fondateur de l'Organisation Sphinx pour le développement dont cette école fait parti. L'école a été lancée il y a un an et demie, quand sa femme Mona est allée dans le quartier avec une habitante locale Om Hussein pour proposer aux filles de venir et apprendre.
Quand Hanem Ragab est venue à l'école, elle avait entre 18 et 20 ans. Elle ne sait ni lire ni écrire. Mais ça ne l’empêche pas de télécharger les mélodies d'Amr Diab sur son portable. « L'éducation chez-nous n'est pas importante », dit Hanem, âgée de 20 ans, portant foulard noire. Elle vient de la tribu Hesar d'Haute Egypte. Là-bas, les hommes ne laissent pas leurs filles sortir de chez eux à cause des traditions conservatrices. Elle est quand même contente de ses études à l'école. Elle est maintenant une étudiante à l'école préparatoire et elle a fait beaucoup de progrès. « L'année dernière j'ai obtenu 36,5 sur 50 en langue arabe », dit-elle avec fierté. Même histoire pour Madame Sahar, 33 ans, mère de deux enfants. Elle fait des efforts pour à la fois s'occuper du foyer et suivre les études. En tous cas, le seul but des études pour ces deux femmes est de devenir une personne instruite et aider ses enfants à l'école. La question de travail de la femme est indiscutable ici. Le foyer et les enfants sont un seul rôle de la femme.

« Il fallait demander au chauffeur de bus pour savoir où il va »

Généralement, l'âge des étudiants est entre 20 et 40 ans. Mais parfois il y a aussi des étudiants dont l'âge dépasse 50 ans. Mohamed Ramadan est âgé de 26 ans et il est un professeur â l'école. Il se souvient d'un de ces cas. D'abord, c'était bizarre pour lui d’enseigner à des élèves qui ont l'âge de son père. Pour les étudiants âgés qui ne sont jamais allés à l'école, c'est autant plus difficile d'étudier. Hosni Fawi travaille dans un atelier du carreau. Voilà, il se dépêche de saluer Yahia avant qu'il parte. Il est venu à l'école quand il avait presque 40 ans. Il lui a fallu huit mois pour apprendre les règles de base. Mais l'instruction élémentaire a facilité sa vie. « Auparavant je savait les chiffres, mais il fallait demander le chauffeur d'autobus pour savoir où il va », avoue-t-il. Maintenant il sait se débrouiller.
Malheureusement, la plupart d'habitants du quartier ne s'intéressent guère aux études. Par exemple, le propriétaire d'atelier où Hosni travaille ne s'est pas décidé à aller à l'école
L'analphabétisme reste un phénomène grave en Egypte, surtout l'analphabétisme des femmes. Selon la statistique officielle 17 millions d'Egyptiens sont illettrés. Mais Yahia est sûr que le nombre des analphabètes dépasse 50% de la population.
Ramy ElKalyouby